Un de mes grands sujets de râlerie est ce qu’il advient de nos films une fois terminés. John Ford disait que c’est le projectionniste qui a le “final cut”, c’est-à-dire le pouvoir sur le montage final. Je me souviens avoir vu une projection de Life of Brian dans les années 80. Un directeur de salle avait coupé sauvagement dans la copie le plan où Brian apparaît à la fenêtre la bite à l’air.
Dans les années 70, une ouvreuse m’avait raconté les dix dernières minutes des Contes des mille et une nuits, parce que le projectionniste avait coupé la fin du film pour cause de “retard”. A Nîmes, pendant la scène du baiser d’Amélie, supposée être émouvante et passer dans le plus profond silence, le projectionniste avait pris le micro pour demander au propriétaire de la voiture immatriculée… de bien vouloir bouger son véhicule.
Cette fois encore, quelques anecdotes Micmacquiennes… A Auxerre, dans le cinéma appartenant à Jean Labbé, “patron des exploitants”, le son était réglé sur 4, alors que le niveau réglementaire est de 7. “Ici, c’est comme ça, sinon les gens rouspètent” m’explique le projectionniste. A Lille et à Lyon, lors des avant-premières, coupures de son. “Ah désolé, on a fait une fausse manœuvre”. Dans les salles Pathé, les bandes annonces passent sur des écrans géants dans un format tout raplapla. A Genève, les affiches dans le hall sont éclairées en vert. Au congrès des exploitants à Deauville, les professionnels blasés regardent le film en passant leurs textos !
Me revient à l’esprit la blague de mon ami Jean-Jacques Zilberman, réalisateur, ancien propriétaire du magnifique cinéma “Max Linder” sur les grands boulevards à Paris : “les exploitants sont des loueurs de fauteuils dans des locaux, et leur travail consiste à vendre des popcorns aux gens qui viennent louer ces fauteuils”.